Plaidoyer pour un libéralisme enraciné

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Plaidoyer pour un libéralisme enraciné

Bien souvent à droite j'ai entendu que le libéralisme et l'enracinement étaient deux notions inconciliables voires contradictoires et qu'il fallait donc choisir. « Comment voulez-vous associer l'idéologie de la reconnaissance et de la primauté de l'individu avec une notion qui la contraint ? », « Ne voyez-vous pas que les libéraux prônent une idéologie hors-sol qui ne peut avoir le souci du bien-commun ? ». A leurs yeux l'individu ne saurait se réfréner et serait de facto un être relativiste, destructeur de son environnement et de ses racines. Ces sophismes sont souvent le fruit de trop grandes théorisations estudiantines au détriment d'expériences de la vie concrète et professionnelle. « La liberté n'existe pas sans morale, ni la morale sans foi » soulignait si justement Alexis de Tocqueville.

 

Les Français voient petit à petit leur vie leur échapper à mesure que l'Etat grossit, que l'activité économique se grippe, que l'expression se muselle, qu'on leur dicte quoi faire et quoi penser et que l'éducation de leurs enfants rime aujourd'hui avec idéologie au détriment de l'instruction. Ils sont beaucoup à estimer que leurs enfants vivront moins bien qu'eux demain. Ils constatent sous leurs yeux s'effondrer ce qui faisaient la renommée de notre pays comme la puissance économique, la force militaire, l'énergie créatrice, l'audace, le haut degré de culture, la civilité, l'éducation. Mais il n'y a pas de fatalité. Nous pouvons rebondir en commençant dès à présent par un recentrage de l'Etat sur ses fonctions premières pour plus d'efficacité et en incitant les individus à avoir un réel poids dans la vie de la nation. Passer d’un Etat producteur à un état prescripteur comme dirait Charles Gave. La démocratie directe, le référundum d'initiative citoyenne, la liberté scolaire ou encore l'incitation fiscale sont autant de clés pour y parvenir. Là encore nous sommes dans la droite ligne de la pensée tocquevillienne qui estime qu'un bon gouvernement devrait avoir pour rôle d'habituer les peuples à se passer de lui.

 

L'enracinement, Tocqueville ne l'aurait pas non plus renié lui qui était issu d'une vieille famille noble normande, influencé par les pensées de Pascal et pour qui la religion était le facteur le plus important pour créer du lien, de la solidarité et le sens de la communauté.

Si la question des racines est aujourd'hui omniprésente, c'est que l'avenir s'efface et la hantise de la décadence nous travaille. L'utilisation stratégique des racines donne accès à une forme particulièrement dynamique de la nostalgie. A partir de cette sureté identitaire et politique, le corps collectif peut réinvestir ses différentes formes historiques pour affronter le présent et l'avenir. Les exemples récents des renaissances chinoises, russes et turques nous offrent de passionnants témoignages. La Turquie s'est interrogée sur ces différentes diplomaties historiques (ottomane, islamique, européenne, eurasienne,...) pour faire renaitre sa puissance. La Russie a replongé dans ses passés à la fois tsariste et soviétique pour réconcilier les mémoires au service de sa renaissance en tant que nation. La Chine a tiré les leçons de son humiliation lors des traités inégaux. Elle a repris son art millénaire de l'imitation. Nous pourrions également citer l'Iran qui, malgré les difficultés économiques liées à la pression américaine en partie, est un acteur incontournable au Moyen-Orient. L'exemple du Japon, pays de haute technologie, innovant, qui a sû garder sa cohésion sociale, ses traditions, sa culture (et qui la fait rayonner à travers le monde) est sur bien des points très enrichissant.

Notre héritage culturel et spirituel, marqué par nos spécificités régionales et par l'apport de la religion chrétienne, ainsi que notre identité civilisationnelle européenne doivent donc être promus et défendus car c'est avant tout grâce à eux que nous pouvons jouir de nos libertés. Il est inconcevable de les remettre en question par l'apport massif de populations ne partageant pas ces aspirations, ne partageant pas notre vision de la place de la femme dans la société par exemple.

 

La question écologique est intimement liée avec la question de l'enracinement. Qui de mieux que ceux vivant dans un territoire pour le pérenniser? Trop souvent l'écologie politique a revêtu le costume de la pastèque : vert dehors, rouge dedans. Les propositions de ces idéologues nous amènent à la punition collective et à des choix abberants comme s'attaquer au nucléaire alors que c'est l'une des énergies les moins émettrices en CO2 aujourd'hui parmi les options dont nous disposons. C'est pourquoi il nous faut se saisir de la question écologique. Devant les crises qui viennent, que ce soit le dérèglement climatique, la dégradation des sols, des eaux, des terres avec l'agriculture chimique, l'épuisement des ressources naturelles, la biodiversité qui s'effondre et même la fertilité humaine en danger, les Hommes doivent nécessairement prendre un autre chemin. Cela passera par l'innovation, par un secteur privé libéré qui pourra se sublimer pour répondre aux éxigences qualitatives de citoyens de mieux en mieux avertis et conscients de cette thématique. Le développement de la filière agricole « bio » représente une indéniable réussite industrielle. Ses liens avec le commerce équitable ou Fair Trade d'un côté, avec le local, les petits producteurs et l'artisanat de l'autre portent cette nouvelle conscience sociale. Ce que les appels au patriotisme économique n'avaient pas réussi, les magasins bio l'ont promu spontanément : le local et les « circuits courts » vont à contre-courant des délocalisations. Il nous faut encourager cette dynamique.

Les thèmes écologiques sont pléthoriques: transition écologique, agriculuture respectueuse de l'environnement, l'obsolescence programmée, l'économie circulaire, les écos matériaux, la résorption des pollutions, l'aménagement du territoire, etc... Le champ d'exploitation pour les entrepreneurs, les chercheurs et les ingénieurs est immense. Il faut allier l'enracinement et l'écologie avec l'innovation et le progrès technique. Le volontarisme et la réflexion stratégique doivent nous animer pour les années à venir.

 

Etre libéral et enraciné est donc tout à fait possible et c'est même une voie d'avenir. Nous devons parvenir à refaire un peuple libre et responsable, engagé davantage dans la vie de la cité, véritable acteur à l'échelon local par le biais d'une décentralisation nécessaire. Nous devons réoxygéner notre démocratie et tonifier nos territoires. C'est à ce titre seulement que les citoyens prendront pleinement racine en leur sein et pourront ainsi les réenchanter.

 

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